Il pleuvait. C’était le deuxième jour de pluie. J’en avais marre. Tous les enfants s’ennuyaient. Ils étaient fatigués de lire, de dessiner ou de jouer à des jeux calmes. De toutes façons, les grands n’aimaient pas jouer avec moi.
- On pourrait capturer des souris et leur brûler la queue ! s’était écrié Thibaud, un garçon de 11 ans qui avait les dents en avant.
Son jeu préféré, c’était la torture de bestioles. Moi, ça ne m’intéressait pas tellement. Tout le monde savait qu’il y avait plein de souris dans l’orphelinat, mais je n’en avais jamais vraiment vu. Par contre, j’en entendais tout le temps. Des fois, au cœur de la nuit, à l’heure où le silence est le plus profond, je percevais des bruits de pas précipités parcourir les poutres de bois. C’était très difficile alors de trouver le sommeil, car je craignais qu’elles ne s’infiltrent dans mes draps et viennent me chatouiller dans le noir. Cependant, la plupart du temps les rongeurs étaient si effrayés par la présence humaine qu’elles ne s’approchaient pas de trop près.
- Ou alors on les fait bouillir… Ragoût de souris ! poursuivit Thibaud en pouffant.
La petite assemblée d’enfants qui l’entouraient répondaient à ses propositions avec enthousiasme. La cruauté, parfois, permet de rompre la monotonie d’une journée. Mais moi, ça me dégoutait. Je m’éloignai de la fenêtre à laquelle j’étais accoudée. Je me lassais de regarder les gouttelettes de pluie glisser sur la vitre, et la voix sifflante de Thibaud m’agaçait trop. Il fallait que je me change les idées.
En me dirigeant vers ma chambre, je dus traverser le couloir et mon regard se posa sur une porte légèrement entrebâillée. Je la connaissais cette porte. Celle du grenier. On n’avait pas tellement le droit d’y aller. D’ailleurs, rare étaient ceux qui s’y risquaient, tant le lieu était angoissant. Un grenier, c’est sûr, ça n’est jamais très rassurant. Mais… cela pouvait être sacrément intéressant !
Je m’approchai de la porte en scrutant du regard les deux extrémités du couloir, afin de m’assurer que personne n’était dans les parages. J’étais un des plus petits enfants dans l’établissement, je me faisais souvent marcher sur les pieds. Et personne ne raterait une occasion de me dénoncer si je me montrais trop fouineur.
Le cœur battant, je passai la porte et la refermai derrière moi. Un long escalier étroit suivait la porte, grimpant dans les hauteurs jusqu’au grenier. Je commençais à avoir les mains moites. Jamais encore je n’avais exploré seul des lieux inconnus. J’espérais que ce n’était pas le siège des souris, je n’avais aucune envie de me retrouver nez à nez avec une armée de rongeurs ! Mais les souris ne sont pas dangereuses, n’est-ce pas ? « Ce n’est pas la petite bête qui va manger la grosse ». C’est ce que ma mère me disait quand j’étais petit et que je pleurais en voyant une araignée. Quand j’étais petit, je veux dire encore plus petit, j’étais encore plus froussard.
- Ce n’est pas la petite bête qui va manger la grosse, répétai-je à voix haute.
Ragaillardi par cette perspective, je posai ma main sur la rampe et montai les escaliers marche par marche. A chaque pas, le bois de l’escalier grinçait affreusement. Arrivé au sommet des marches, j’éternuai deux fois de suite. Quelle poussière ! Il y en avait partout, en paquets, recouvrant tous les meubles et le sol d’un tapis grisâtre. C’était certain, personne ne venait ici. Même les souris devaient avoir le museau irrité par cette poussière. Mme Buzatti elle-même ne semblait pas mettre les pieds en ce lieu. Ce n’était pas très rassurant, ça. Si personne ne venait, c’était pour une bonne raison.
Peut-être un fantôme ! Un violent frisson me parcourut l’échine. Les fantômes me faisaient très peur. Mille fois plus peur qu’une armée de souris. Et les fantômes adorent les greniers.
Moi qui comptais vivre une aventure formidable ici, je me ravisai. Les greniers étaient toujours sources de mystères et de trésors enfouis. J’aurais pu y découvrir des secrets sur l’orphelinat, des documents et des photographies dissimulés, oubliés, quelques objets intéressants. Après tout, je ne savais rien du lieu où je vivais. Même Mme Buzatti n’en parlait pas beaucoup.
Toutefois, ma crainte l’emportait sur ma curiosité. Le bois grinçant, la poussière envahissante, le mystère ambiant, tout cela créait une atmosphère très peu tranquillisante. Je pouvais bien remettre mon expédition à plus tard. Malheureusement, je n’en eus pas l’occasion.
Alors que je m’apprêtais à faire demi-tour pour dévaler les escaliers et rejoindre prestement ma chambre, j’entendis la porte d’en bas se refermer. Je ne pouvais pas voir qui l’avait franchie, tout comme celui-ci ne pouvait pas me voir. Pris de panique à l’idée d’être découvert, je balayai la pièce du regard à la recherche d’une cachette. Je me précipitai dans une armoire branlante et me recroquevillai sur moi-même. J’entendais les pas réguliers de l’intrus, m’ôtant tout espoir de le voir renoncer. Pourvu qu’on ne me trouve pas, pourvu qu’on ne me trouve pas !
- On pourrait capturer des souris et leur brûler la queue ! s’était écrié Thibaud, un garçon de 11 ans qui avait les dents en avant.
Son jeu préféré, c’était la torture de bestioles. Moi, ça ne m’intéressait pas tellement. Tout le monde savait qu’il y avait plein de souris dans l’orphelinat, mais je n’en avais jamais vraiment vu. Par contre, j’en entendais tout le temps. Des fois, au cœur de la nuit, à l’heure où le silence est le plus profond, je percevais des bruits de pas précipités parcourir les poutres de bois. C’était très difficile alors de trouver le sommeil, car je craignais qu’elles ne s’infiltrent dans mes draps et viennent me chatouiller dans le noir. Cependant, la plupart du temps les rongeurs étaient si effrayés par la présence humaine qu’elles ne s’approchaient pas de trop près.
- Ou alors on les fait bouillir… Ragoût de souris ! poursuivit Thibaud en pouffant.
La petite assemblée d’enfants qui l’entouraient répondaient à ses propositions avec enthousiasme. La cruauté, parfois, permet de rompre la monotonie d’une journée. Mais moi, ça me dégoutait. Je m’éloignai de la fenêtre à laquelle j’étais accoudée. Je me lassais de regarder les gouttelettes de pluie glisser sur la vitre, et la voix sifflante de Thibaud m’agaçait trop. Il fallait que je me change les idées.
En me dirigeant vers ma chambre, je dus traverser le couloir et mon regard se posa sur une porte légèrement entrebâillée. Je la connaissais cette porte. Celle du grenier. On n’avait pas tellement le droit d’y aller. D’ailleurs, rare étaient ceux qui s’y risquaient, tant le lieu était angoissant. Un grenier, c’est sûr, ça n’est jamais très rassurant. Mais… cela pouvait être sacrément intéressant !
Je m’approchai de la porte en scrutant du regard les deux extrémités du couloir, afin de m’assurer que personne n’était dans les parages. J’étais un des plus petits enfants dans l’établissement, je me faisais souvent marcher sur les pieds. Et personne ne raterait une occasion de me dénoncer si je me montrais trop fouineur.
Le cœur battant, je passai la porte et la refermai derrière moi. Un long escalier étroit suivait la porte, grimpant dans les hauteurs jusqu’au grenier. Je commençais à avoir les mains moites. Jamais encore je n’avais exploré seul des lieux inconnus. J’espérais que ce n’était pas le siège des souris, je n’avais aucune envie de me retrouver nez à nez avec une armée de rongeurs ! Mais les souris ne sont pas dangereuses, n’est-ce pas ? « Ce n’est pas la petite bête qui va manger la grosse ». C’est ce que ma mère me disait quand j’étais petit et que je pleurais en voyant une araignée. Quand j’étais petit, je veux dire encore plus petit, j’étais encore plus froussard.
- Ce n’est pas la petite bête qui va manger la grosse, répétai-je à voix haute.
Ragaillardi par cette perspective, je posai ma main sur la rampe et montai les escaliers marche par marche. A chaque pas, le bois de l’escalier grinçait affreusement. Arrivé au sommet des marches, j’éternuai deux fois de suite. Quelle poussière ! Il y en avait partout, en paquets, recouvrant tous les meubles et le sol d’un tapis grisâtre. C’était certain, personne ne venait ici. Même les souris devaient avoir le museau irrité par cette poussière. Mme Buzatti elle-même ne semblait pas mettre les pieds en ce lieu. Ce n’était pas très rassurant, ça. Si personne ne venait, c’était pour une bonne raison.
Peut-être un fantôme ! Un violent frisson me parcourut l’échine. Les fantômes me faisaient très peur. Mille fois plus peur qu’une armée de souris. Et les fantômes adorent les greniers.
Moi qui comptais vivre une aventure formidable ici, je me ravisai. Les greniers étaient toujours sources de mystères et de trésors enfouis. J’aurais pu y découvrir des secrets sur l’orphelinat, des documents et des photographies dissimulés, oubliés, quelques objets intéressants. Après tout, je ne savais rien du lieu où je vivais. Même Mme Buzatti n’en parlait pas beaucoup.
Toutefois, ma crainte l’emportait sur ma curiosité. Le bois grinçant, la poussière envahissante, le mystère ambiant, tout cela créait une atmosphère très peu tranquillisante. Je pouvais bien remettre mon expédition à plus tard. Malheureusement, je n’en eus pas l’occasion.
Alors que je m’apprêtais à faire demi-tour pour dévaler les escaliers et rejoindre prestement ma chambre, j’entendis la porte d’en bas se refermer. Je ne pouvais pas voir qui l’avait franchie, tout comme celui-ci ne pouvait pas me voir. Pris de panique à l’idée d’être découvert, je balayai la pièce du regard à la recherche d’une cachette. Je me précipitai dans une armoire branlante et me recroquevillai sur moi-même. J’entendais les pas réguliers de l’intrus, m’ôtant tout espoir de le voir renoncer. Pourvu qu’on ne me trouve pas, pourvu qu’on ne me trouve pas !